Scrutin présidentiel au Venezuela : Une atteinte à la démocratie et une menace grave pour la stabilité régionale
Delphine Patetif, membre de la Société internationale des droits de l’Homme revient sur les élections au Venezuela. Franco-vénézuélienne, elle est juriste internationale, spécialiste de la restauration de l’État de droit en situation de post-conflit, de la prévention des conflits, de la justice pénale internationale. Elle a notamment été en poste à Caracas récemment.
Le 28 juillet, le Venezuela a organisé une élection présidentielle qui est de fait une parodie de démocratie qui viole les droits fondamentaux du peuple. Les résultats semblent être gravement partiaux et ne reflètent en aucun cas la volonté du peuple, ce qui implique une grave violation des principes démocratiques.
Le gouvernement actuel a organisé un scrutin dont les résultats étaient prévisibles, voire annoncés. Il n’a pas permis aux principaux candidats de l’opposition de se présenter, les listes électorales ont été manipulées et les observateurs internationaux indépendants n’ont pas pu surveiller le processus. L’objectif de cette mascarade électorale est de donner une apparence de légitimité à un pouvoir autoritaire qui s’accroche désespérément à ses prérogatives.
Un récent développement confirme l’étendue de cette fraude électorale. La conférence de presse cruciale de Maria Corina Machado, cheffe de l’opposition vénézuélienne, empêchée de se présenter car déclarée inéligible par le pouvoir en place, a eu lieu lundi soir. Selon elle, l’opposition possède des éléments incontestables démontrant la victoire de son candidat, Edmundo Gonzalez Urrutia, un diplomate discret qui l’avait remplacée au pied levé.
Selon l’opposition, d’après les données recueillies dans les bureaux de vote, le président sortant, Nicolas Maduro, aurait reçu seulement 2,7 millions de voix ,contre 6,27 millions pour Edmundo Gonzalez Urrutia, ce qui représente 73% des décomptes collectés. Ces données sont en totale contradiction avec les résultats officiels annoncés par le Conseil National Électoral (CNE), qui a proclamé Maduro vainqueur.
Rappelons ici que le CNE est à la solde du pouvoir existant, avec un président membre fondateur du PSUV et proche ami de Maduro, un vice-président, militaire de carrière, proche du pouvoir et soupçonné d’être le cerveau réel du CNE, et enfin une présidente de la commission du registre civil et électoral, avocate, veuve d’un haut responsable du PSUV, et proche du pouvoir.
Les « preuves de la victoire » ont donc déjà été envoyées à des dirigeants internationaux, a déclaré Maria Corina Machado lundi, et seront publiées en ligne dans les heures qui suivent. Cette découverte met en évidence clairement l’ampleur de la manipulation électorale et renforce l’importance d’une réponse internationale puissante.
La situation au Venezuela se détériore un peu plus chaque jour. Lundi, des manifestations spontanées ont éclaté à travers le pays, entraînant des affrontements violents avec les forces de l’ordre. D’après une ONG locale, ces émeutes ont déjà causé la mort d’une personne. La montée en puissance de la violence est très inquiétante et reflète le désespoir d’un peuple privé de son droit fondamental au libre choix de ses leaders.
Cette situation est d’autant plus inquiétante qu’elle risque de provoquer une crise diplomatique majeure en Amérique latine. Les pays limitrophes ne peuvent pas rester silencieux face à cette dérive antirépublicaine qui les oblige déjà à supporter l’arrivée massive des réfugiés vénézuéliens. Toute la région est en danger.
La communauté internationale doit donc faire entendre sa voix. Et notamment la France, qui, par son engagement envers les valeurs démocratiques et le respect des droits de l’homme, a à jouer un rôle très important.
Il est ainsi essentiel de condamner fermement cette élection fallacieuse et d’en rejeter le résultat. La France devrait donc en toute logique demander à l’Union européenne de renforcer les sanctions ciblées contre les dirigeants du régime vénézuélien. En effet, comme je le disais déjà en 2017 , les sanctions individuelles 3 ciblées sont plus efficaces que les sanctions globales, qui, elles, ne pénalisent au final que les populations.
Elle doit également participer activement aux initiatives de médiation de l’Organisation des États Américains (OEA) et des Nations Unies. Elle doit contribuer à améliorer l’assistance humanitaire aux populations vénézuéliennes, à la fois à l’intérieur du pays et dans les pays voisins. Elle doit promouvoir et apporter un soutien inéquivoque à la société civile vénézuélienne dans sa lutte pour la restauration de la démocratie.
La France pourrait également convoquer une conférence internationale sur le Venezuela, réunissant toutes les parties prenantes, pour trouver une solution pacifique et démocratique à la crise.
Le moment est opportun. Depuis trop longtemps, le peuple vénézuélien souffre aux mains d’un régime incompétent et autocratique.
Les preuves de fraude électorale apportées par l’opposition vénézuélienne et l’intensification de la violence dans les rues sont des moments critiques. C’est l’occasion pour la communauté internationale de s’exprimer en faveur de la démocratie et de la volonté exprimée du peuple vénézuélien. Le moment d’agir, c’est maintenant. Chaque jour qui passe sans une réponse efficace et unifiée de la communauté internationale met davantage de vies innocentes en danger et affaiblit la stabilité de toute la région.
La France et la communauté internationale devraient par conséquent réitérer leur engagement en faveur de la protection des droits de l’homme et de la démocratie au Venezuela au travers d’actes concrets, car c’est l’avenir de toute une région qui en dépend.